Le karaage, c'est la cuisine de bar à son meilleur. Le poulet frit super juteux, croquant et savoureux, omniprésent dans les izakayas du Japon, figure désormais sur les menus aux États-Unis, prenant la place qui lui revient aux côtés du poulet frit à la mode du Sud, du poulet frit au babeurre, du poulet frit à la mode de Nashville et du Dakgangjeong coréen.
Karaage fait en fait référence à une technique de cuisson inventée il y a plus de mille ans, souvent utilisée pour faire frire légèrement le tofu pour les plats végétariens, de façon à ce que l’intérieur soit moelleux et l'extérieur, croustillant. Après la Seconde Guerre mondiale, lorsque le poulet était bon marché, les Japonais ont commencé à utiliser cette technique pour le faire cuire. Ces morceaux de poulet étaient si délicieux qu'ils ont connu un immense succès. Aujourd'hui, on trouve du poulet karaage partout au Japon: dans les dépanneurs, comme 7-Eleven, FamilyMart et Lawson (apparemment le préféré d'Anthony Bourdain), dans les supermarchés, les depachikas (échoppes de produits gastronomiques situées au sous-sol), et bien sûr, dans les izakayas, ou bars japonais.
La caractéristique la plus marquante du karaage est un extérieur croustillant et une viande tendre et juteuse à l’intérieur. Le caractère croustillant est obtenu grâce au saupoudrage de fécule de pomme de terre, également connu sous le nom de katakuriko. Frit deux fois dans des huiles à point de fumée élevé comme l'huile de colza, de canola ou d’arachide, parfois avec un peu d’huile de sésame, le poulet enrobé est d’abord cuit à basse température pour cuire la viande, puis à haute température, ce qui lui donne son croustillant caractéristique.
« Un mauvais poulet frit est un poulet dont la panure ne tient pas; elle glisse sur le poulet, déclare Ivan Orkin, du Ivan Ramen à New York. Il respecte la tradition japonaise qui consiste à saupoudrer le poulet frit de fécule de pomme de terre. Cependant, une fois frit, il rompt avec la tradition en l'enrobant d'une sauce à l’ail grillé et au caramel, épicée et légèrement piquante. Il le parsème de togarashi (un mélange d'épices japonaises) et le sert avec de la trempette shiso ranch.
« Amateur de cuisse » autoproclamé, Ivan Orkin compare le karaage à la dinde l'Action de Grâce : « Les gens qui ne savent pas comment faire cuire la dinde croit que c'est une viande sèche, mais si vous la saumurez, elle est délicieuse. ».
En effet, l'ingrédient secret du karaage est sa marinade. À sa base, il s’agit d’un mélange riche en umami composé de sauce soja, de saké et de gingembre, mais il peut également contenir du vinaigre de vin de riz, de l’huile de sésame, du mirin, de la mayonnaise, de l’ail et des épices.
L'importateur de Tokyo Afuri1 de Portland et de Beaverton, en Oregon, adopte une approche différente en utilisant des cuisses de poulet désossées et sans peau au lieu des cuisses avec peau habituelles, une décision prise pour s'adapter au marché américain, explique Zachary Ragghianti, l'un des directeurs culinaires d'Afuri. « Le Karaage est un poulet frit à grignoter », dit-il. En effet, le groupe de restaurants transforme plus de 1 000 cuisses de poulet par semaine. (C’est beaucoup de grignotage!)
Dans leurs izakayas, le plat de karaage classique comprend une salade d’œufs au yuzu kosho (une interprétation d'un plat d’accompagnement type d’un bento) et un quartier de citron. Les établissements Afuri Ramen + Dumplings servent plutôt un style Zangi épicé, originaire de Hokkaido, au Japon. Une fois le poulet frit, il est nappé d’une sauce chili rouge collante et sucrée et servi avec de la mayonnaise à l’ail bien fraîche. Vous pouvez parfois trouver du karaage au sommet de leur Kara Tsuyu Tsukemen, un bol froid de nouilles ramen ondulées et moelleuses, ou sous la forme d'un seul morceau brillant de poulet frit épicé, servi dans un petit pain bao cuit à la vapeur.
Dans la région de la Baie, le restaurant japonais Pabu Izakaya a ouvert ses portes en 2014, mais le karaage n’a fait son entrée au menu que deux ans plus tard, lorsque le fondateur Ken Tominaga et le chef exécutif Kevin Schantz ont convenu que sa popularité serait aussi grande à San Francisco qu'au Japon. « C’est un plat réconfortant conçu pour être partagé », explique Kevin Schantz, qui suggère de manger le karaage avec des baguettes ou les doigts. Le mélange de fécule de pomme de terre et de farine à pâtisserie du Pabu rend le poulet croustillant et moelleux, ce qui donne une panure plus foncée et plus lourde, semblable à celle que vous verriez à Oita, au Japon, où la farine de blé enrobe le karaage. En plus d'abriter le restaurant qui prétend avoir servi pour la première fois le karaage dans sa forme originale, Oita accueille chaque année un festival du karaage qui célèbre la gamme moderne de cet incontournable de la gastronomie.
« Je pense que le karaage est un « ajout » parfait à toute commande, estime Ken Chino, directeur général du SakaMai, un bar à saké moderne situé dans le Lower East Side à New York. C’est un peu comme achat impulsif dans un supermarché. » Dans son restaurant, le karaage est plus populaire que les salades et les desserts. « Notre chef, Takanori Akiyama, a toujours été créatif et novateur, mélangeant les saveurs de différentes cultures », explique Ken Chino. Il est originaire de Miyazaki, la patrie du poulet Nanban, un type de karaage plus sucré, dont la marinade contient du mirin et du sucre . Au SakaMai, Takanori Akiyama utilise du paprika fumé et de la harissa dans sa marinade, ainsi que du miso Saikyo, une version plus sucrée du miso shiro (blanc), peut-être en hommage à sa ville natale.
Comme les izakayas sont des bars, Ken Chino suggère d’associer le karaage à une bière légère, à un whisky japonais classique ou à un Chūhai (shochu avec soda et citron). Mais, honnêtement, même si vous n’avez rien d’intéressant à boire pour l'accompagner, vous serez heureux de commander une grande assiette de karaage. C’est plus qu’un hors-d’œuvre, c’est un repas à part entière, et parfait en plus.
Mention de source, de haut en bas : SakaMai (image en une), Hachikan Creative; Ivan Ramen, Daniel Krieger; Afuri et Pabu, Todd Porter et Diane Cu-Porter; SakaMai, Hachikan Creative.