Pour le chef Kwame Onwuachi, les jours ordinaires n’existent pas. Il peut examiner les comptes à son nouveau et très réputé restaurant de New York, Tatiana, ou il peut choisir la décoration à son restaurant toujours sans nom de 200 places à l’hôtel Salamander de Washington D.C., qui doit ouvrir ses portes l’année prochaine. Il peut agir en tant que consultant pour l’adaptation cinématographique de son livre, « Notes from a Young Black Chef », ou choisir de nouvelles teintes pour sa ligne de vernis à ongles avec Orly. Il peut faire partie d’un panel à un festival gastronomique ou travailler sur un projet télévisuel pour la compagnie de production qu’il vient de démarrer, mais il ne peut pas donner plus de détails pour l’instant. « Ce sont les choses les plus excitantes », dit-il. « Les choses dont vous ne pouvez pas parler. »
C’est beaucoup de choses à concilier pour une seule personne, mais Onwuachi demeure inébranlable. « Je trouve du calme dans le chaos », me dit-il. « Pour nous, les gens qui sont très motivés ou qui semblent toujours occupés, c’est notre espace sécuritaire. Le contraire me semble plus chaotique, lorsque rien ne bouge. »
C’est donc probablement une bonne chose que les choses aient rarement été à l’arrêt pour Onwuachi. Comme ses mémoires l’expliquent, le chef a grandi dans le Bronx, mais a été envoyé dans les campagnes du Nigeria à l’âge de 10 ans pour vivre avec son grand-père et « apprendre le respect », comme sa mère le disait à l’époque. Mais lorsqu’il est revenu après quelques années, il s’est joint à un groupe assez rebelle qui l’a mené vers la fête et la violence des gangs. C’est la cuisine de sa mère qui l’a éventuellement reconnecté avec lui-même; peu après qu’il ait été renvoyé du collège pour avoir vendu de la drogue, elle lui a fait un cari au poulet, et quelque chose s’est réveillé en lui. Il a déménagé à Baton Rouge pour vivre avec elle et entreprendre une carrière culinaire.
Après un emploi de chef à bord du bateau de nettoyage du déversement d’hydrocarbures du Deepwater Horizon, Onwuachi a éventuellement gagné assez d’argent pour déménager à New York et démarrer sa propre compagnie de traiteur. Ensuite, il a étudié au Culinary Institute of America, où il a perfectionné son art et fait un stage au restaurant Per Se de Thomas Keller, puis il a décroché un emploi après l’obtention de son diplôme en tant que cuisinier à la chaîne au Eleven Madison Park.
Je trouve du calme dans le chaos. Pour les gens qui sont très motivés ou qui semblent toujours occupés, c’est notre espace sécuritaire. Le contraire me semble plus chaotique, lorsque rien ne bouge.
Un passage à l’émission « Top Chef » en 2015, où Onwuachi fut le favori du public, a mené à des appels de la part d’investisseurs et éventuellement à un restaurant nommé Shaw Bijou à Washington D.C. Les avis étaient mitigés, l’investisseur principal s’est retiré, et le restaurant a fermé ses portes en moins d’un an, ce qui aurait pu mettre fin à la carrière du chef. Onwuachi a plutôt pris quelque temps pour se remettre avant d’ouvrir un nouveau restaurant afro-caribéen nommé Kith and Kin à la fin de l’année 2017, qui a obtenu d’excellentes critiques et le succès national que Shaw Bijou n’avait pas pu obtenir.
Mais ce n’est que l’année dernière, lorsqu’il a ouvert Tatiana, que Onwuachi a senti qu’il avait réussi selon ses propres règles.
« Tatiana est ma lettre d’amour pour New York », dit-il. « J’ai grandi dans le Bronx où, dans un rayon d’un pâté de maisons, on pouvait trouver dix restaurants différents représentant dix cultures différentes. Cela en dit long sur le quartier et sur les gens qui sont venus ici pour construire cette ville. Tatiana est un hommage à mon enfance. Il a été nommé en l’honneur de ma sœur et il raconte l’histoire de New York avec un fil conducteur afro-caribéen. »
Le restaurant du Lincoln Center, avec ses tables en marbre, ses luminaires qui changent de couleur et ses plantes tropicales luxuriantes, vous transporte dans un rêve sortant tout droit de la tête de Onwuachi (un délicieux rêve, en plus.)
Des dumplings dodus et dorés remplis d’un mélange de crabe et de soupe à la pistache africaine (un mets typique nigérien bien épicé à base de noix qui, selon les mémoires du chef, était régulièrement concocté par sa mère originaire du Texas afin de plaire à son père né au Nigeria), qui trempent dans un ragoût à la tomate. Des crevettes (avec la tête) succulentes qui baignent dans un beurre créole, et mariées à du pain brioché croustillant, rappellent l’enfance de sa mère passée sur la côte du Golfe. Les queues de bœuf, un incontournable de la cuisine caribéenne, sont servies de deux façons : farcies dans des rangoons croustillants avec du crabe et du fromage au piment, et braisées pendant des jours jusqu’à la tendreté optimale dans une sauce onctueuse à la cannelle. Le poulet rôti à la façon shawarma, servi sur du riz au curcuma et garni d’agneau braisé tendre, rend hommage à la nourriture de rue halal omniprésente à New York. « C’est probablement le mets le plus intéressant pour moi », dit Onwuachi. « C’est très New York. »
Chaque article qui sort de la cuisine de Tatiana raconte une histoire sur Onwuachi et d’où il vient, que ce soit sur sa propre enfance ou sur la diaspora afro-caribéenne en entier. Et c’est cela l’objectif, pas seulement de Tatiana, mais de tout ce qu’il a fait dans sa carrière multidimensionnelle et en croissance constante.
« Je veux continuer à raconter des histoires grâce à différents médias », indique Onwuachi. « Grâce à la nourriture, aux marques, aux produits que je lance, ou à la télévision ou aux livres, ou aux restaurants que j’ouvre. Je veux continuer à raconter des histoires qui mettent mon peuple en valeur et qui améliorent un peu les choses. »
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CRÉDIT PHOTO : gracieuseté de Kwame Onwuachi